La réalité, pas la télé

C’est paradoxal, je sais. Je viens de passer plus de neuf mois complètement engloutie par un projet de rénovation, auquel j’ai consacré le meilleur de mon énergie, de ma créativité et le plus clair de mon temps (libre et moins libre). La dernière chose dont je devrais avoir envie, le soir, c’est de regarder des émissions de rénovation. Il me semble.

Mon chum n’y comprend rien. « T’es pas écœurée? ». Il n’a pas tort. Après un sprint de peinture qui a duré trois semaines, et tout le branle-bas de notre déménagement fin janvier, je devrais avoir le goût de décrocher.

Mais non. Je suis obsédée. Je connais par cœur la programmation quotidienne des canaux HGTV et DIY, et je flirte même un peu avec le très nul CASA, qui a l’air de diffuser uniquement des émissions britanniques doublées. Parenthèse pour les patrons de CASA: soit vous laissez le son en Anglais et vous mettez des sous-titres, soit vous doublez carrément. Rien de plus irritant que d’entendre une voix en Français parler par-dessus la voix originale au même volume.

Alors, j’assume mon obsession. Je VEUX savoir quelles poignées d’armoires Sarah Richardson a trouvées pour la cuisine de Madame Chose. Et COMMENT l’équipe de Yard Crashers va-t-elle transformer la cour de la famille Machin? Je DOIS écouter House Hunters International jusqu’à la fin pour savoir quelle villa en Espagne le couple Lambda va choisir. J’en écoute même le midi, en mâchant distraitement mon lunch (Ô joie du travail autonome et du dîner à la maison). Je sens que ça ne fait pas tellement de bien à mon QI, mais bon, je peux désormais partager mon savoir  encyclopédique sur le MDF et le contreplaqué russe dans les rares conversations mondaines auxquelles je participe.

Le « High » ultime, la récompense, quoi, ce sont les 45 secondes à la fin, lorsque la transformation est dévoilée. Prise de vue panoramique sur l’espace parfaitement rangé, décoré, éclairé, bref FINI, et tout ça réalisé – par la magie du montage- en quelques jours à peine.  Ce qu’on appelle en jargon télé, le « reveal ». Le cœur de l’obsession est là. Parce que c’est l’Eldorado qui m’échappe chaque jour quand je fais la liste interminable de petits et gros détails pas réglés,  la finition pas finie, le tas de rebuts qui trône encore dans la cour, les boîtes pas défaites, les luminaires manquants, le comptoir de cuisine temporaire en plywood, la hotte pas installée, les portes (et peut-être même les fenêtres) à changer…. Inutile de préciser que nos week-ends sont bien remplis de corvées diverses. Juste à y penser, je suis épuisée.

Ouf. Je pense que je vais aller écouter une petite émission de réno.

Blague à part, je suis parfaitement consciente que ces émissions de rénovation jouent précisément sur le fantasme de la perfection et créent le manque et l’envie pour mieux nous faire consommer. Exactement comme les pubs de mode ou de parfum. Mais en attendant, ça m’aide à prendre mon mal en patience. Ça me rappelle que oui, un jour, je pourrai siroter un breuvage quelconque dans mon jardin en admirant une maison ter-mi-née. Si HGTV a envie de m’envoyer Mike Holmes ou Bryan Baeumler pour m’aider à y arriver, je ne dis pas non. Pas sûre que le chéri le prendrait bien, mais je peux rêver!

Les nombreux compliments et encouragements reçus de la part des amis lors de notre premier party dans la maison ont aussi fait le plus grand bien.

Update: En 2012, l’équipe de l’émission Curieux Bégin a décidé de tourner la saison entière de l’émission dans la maison fraîchement terminée! Vous pouvez aller zieuter le tout sur le site de l’émission. PS, les meubles que vous voyez à la télé proviennent d’une commandite.

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Bourrelets de rénovation

Conséquence inattendue (et plutôt désagréable) de mon implication sur le chantier? Je mange comme un gars de la construction. C’est-à-dire mal. Et tous mes jeans, sauf les vieux pantalons sales que j’enfile pour aller peinturer/sabler/nettoyer, sont maintenant serrés.

Comme la cuisine de la nouvelle maison était inexistante jusqu’à la fin décembre et qu’elle tarde encore à être opérationnelle, impossible de s’y faire des bons petits lunchs santé. Vous me direz que je pourrais apporter une boîte à lunch, et je l’ai fait avec quelques reprises. J’ai aussi traîné d’innombrables bouteilles d’eau et des sacs de clémentines pour essayer d’incorporer un peu de vitamines dans notre diète. Mais quand je me lève à 6h30 ou 7h00 pour être sur le chantier de bonne heure, après avoir englouti un gros café et marché le chien, disons que je ne me sens pas trop inspirée pour concocter une boîte à lunch équilibrée.

Et puis je l’avoue. Après 4 heures à genoux à frotter des taches de coulis sur le plancher ou un avant-midi à me faire les bras avec le rouleau de peinture, ce n’est pas d’une salade au thon avec du pain germé que j’ai envie pour le lunch. Travailler physiquement donne plutôt envie de manger chaud, salé et gras. Un bon burger, une frite, et un Coke pour faire (mal) passer tout ça. Moi qui avait presque complètement éliminé la malbouffe de mon alimentation depuis des années, je n’ai jamais mangé autant de junk food de ma vie. Sans compter la tradition des cafés et petites douceurs, que l’on s’apporte mutuellement sur le chantier pour s’encourager.

Même si on voulait faire l’effort de mieux manger à l’extérieur, je constate avec effroi que le petit resto de quartier sans prétention qui nous recevrait (sales, poussiéreux, couverts de taches de plâtre, de peinture ou décorés de brin de scie) sans sourciller pour nous servir des plats maison équilibrés n’existe pas. La dizaine de casse-croûtes autour de la maison ont tous plus ou moins le même menu : burgers, hot dogs, pizza, sous-marins… quand l’item le plus santé sur la carte est le club sandwich, ça part mal. Le Québec a fait des progrès en matière de culture culinaire (tout le monde se réclame de la vague foodie), mais dans les faits, on dirait que beaucoup d’entre nous carburent encore aux steamés-patates. L’option la plus sage est d’aller manger un gros bol de soupe dans l’un des nombreux « Pho » du coin, mais on se lasse rapidement du bouillon et des nouilles.

Les repas qu’on prend le soir dans mon condo (où l’on vit pendant les travaux) ne sont guère mieux. Ni le temps, ni le goût de cuisiner dans cet appartement devenu complètement bordélique à force de se faire négliger. Aller au gym pour brûler les calories de trop ? Oubliez ça. Il y a des soirs où Patrick et moi sommes tellement fatigués que l’effort minimal requis pour se lever du sofa et se faire cuire des pâtes nous semble surhumain. Nos mamans respectives nous ont fait cadeau de petits plats cuisinés de temps à autre, et c’était comme des cadeaux du ciel.

Bref, je comprends pourquoi les hommes étaient heureux, jadis, quand ils rentraient des champs, fatigués et affamés, pour s’asseoir devant un bon repas cuisiné par leur épouse. La féministe en moi n’en revient pas de dire ça, mais ça nous prendrait une femme à la maison!

Entre-temps, je vais endurer la frustrations des jeans-qui-me-pètent-dessus, en me rappelant que c’est temporaire et que dans ma nouvelle cuisine (yaaaaaaaayyy), je pourrai bientôt retrouver le plaisir de cuisiner… santé.