Jeu de patience

Mon chum et moi, on est un peu malades. Dans les 3 derniers mois, on a: pris des vacances à San Diego, fait des boîtes chez lui et emménagé ensemble chez moi, rénové la cuisine de mon condo, et entamé un gigantesque chantier dans son ancien triplex, où on convertit le rez-de-chaussée et le deuxième en «cottage», c’est-à-dire en maison de deux étages.

Présentement, la future maison est à peu près aussi invitante qu’un fond de ruelle – voir la photo. Mais un jour, un jour… Voyez, j’essaie d’être patiente. Parce que les rénos, c’est inévitable, c’est toujours quatre fois plus long que prévu.

Prenons l’exemple de ma cuisine. J’ai éclaté de rire l’autre jour en retrouvant le petit bout de papier sur lequel mon amoureux avait gentiment détaillé toutes les étapes pour rafraîchir ma vieille cuisine en réutilisant les armoires qu’on avait l’intention d’arracher chez lui de toute façon. 25 heures de travail et des poussières, prévoyait-il, rempli d’optimisme. J’en ris encore.

J’ai passé trois semaines sans évier fonctionnel dans la cuisine, à me sentir comme Laura Ingalls qui va chercher l’eau au puits pour la Petite Maison dans la Prairie. Je vous ai dit que je travaille à temps plein de chez moi ? Ô, joie de faire la vaisselle dans la baignoire sur mon heure de lunch. Et il reste encore un tas de petits détails de finition à compléter.

Sans compter que mon voisin d’en bas, un gars adorable par ailleurs, s’est lancé dans les rénovations majeures au même moment. Pour dévier un drain encombrant chez lui, il a du faire un trou important dans le plancher entre nos deux étages. Dans la salle de bain, le trou. Les ouvriers d’en bas et moi avons donc atteint un degré d’intimité que certains couples – même très amoureux – n’auraient pas toléré. Mais ça, c’était de la petite bière en comparaison avec le chantier qu’on a entrepris dans le triplex de la Petite-Patrie.

En décembre dernier, quand on s’est pris à rêver d’avoir deux étages à nous, à fantasmer sur de grands espaces décloisonnés pour respirer et inviter les amis, et à passer des heures dans des chiffiers Excel pour voir si on avait les moyens de nos ambitions, on savait que ça prendrait du temps.

Choisir une équipe de design-architecture. Décider où mettre l’escalier. Se chicaner sur la grandeur de la salle de bain. Douter. Choisir un entrepreneur pour faire les travaux. Attendre que le locataire du deuxième déménage. Arracher avec précaution tout ce qui a de la valeur (armoires, luminaires, moulures) avant l’arrivée de l’équipe de démolition. Vendre tout ça sur lespac.com et kijiji. Valider nos plans de structure avec un ingénieur.

Mettons qu’on est loin, très loin de choisir la couleur des murs. Et comme je me réveille à l’aube avec le hamster mental à spin, en train de repasser tous les trucs à faire, les choix des matériaux, les comparaisons de prix, etc… j’ai décidé de tenir un carnet ici. Pour parler du projet, ou de tout autre sujet qui préoccupe le hamster.

Ce blogue sera aussi l’occasion de monter un portfolio vivant des articles que je publie. Ça faisait trop longtemps que j’y pensais, que j’en parlais… et qu’entre nous, je procrastinais. Et comme m’a déjà dit un prof de psycho interviewé justement pour un  article sur la procrastination : « What’s the trick to overcoming procrastination ? Start now. »

PS : Merci à Nicolas pour le coup de pied dans le derrière et les précieux conseils de geek

Exode des cerveaux – Vue de l’esprit

Tendances

Exode des cerveaux

Vue de l’esprit

Périodiquement, des cris d’alarme reviennent dans les médias, laissant croire à une fuite massive de nos plus brillants talents vers d’autres pays. Le Québec et le Canada sont-ils véritablement victimes d’un exode de cerveaux?

par Marie-Claude Élie Morin

Magazine Jobboom
Vol. 9 no. 8
septembre 2008

Jean-François Dionne venait tout juste de compléter sa maîtrise en génie à l’École Polytechnique de Montréal lorsqu’il a décidé d’aller s’établir en Suisse, où il travaille maintenant pour le célèbre fabricant de montres Swatch. Le cas de Jean-François n’est pas unique. Des médecins, chercheurs, administrateurs et ingénieurs quitteraient en masse le pays. Y a-t-il péril en la demeure?

Patrice Dion, analyste chez Statistique Canada, a mené avec sa collègue Mireille Vézina une importante enquête sur l’émigration des Canadiens aux États-Unis de 2000 à 2006. «C’est très difficile de mesurer l’émigration, car les recensements nous donnent seulement un portrait de ceux qui habitent au pays», explique Patrice Dion. En prenant comme hypothèse que les États-Unis constituent la destination principale des Canadiens, les chercheurs ont consulté les données de recensement américaines les plus récentes et ont calculé le nombre de gens nés au Canada, mais vivant là-bas.

Selon les données compilées, au cours des années 1990, le nombre de Canadiens aux États-Unis a connu une augmentation jamais vue depuis le début du XXe siècle. Mais de 2000 à 2006, le nombre de personnes nées au Canada et ayant émigré aux États-Unis a connu une croissance deux fois moins rapide que la décennie précédente. «On ne peut pas dire que l’émigration des Canadiens s’est accélérée», déclare Patrice Dion.

Toutefois, parmi ceux qui sont partis chez l’oncle Sam depuis 2000, le tiers environ appartient à la tranche des 20-35 ans. «Un peu plus d’un émigrant canadien sur deux (53 %) parti aux États-Unis détient un diplôme universitaire», ajoute l’analyste. Dans la population canadienne en général, c’est un peu moins d’une personne sur quatre.

L’analyse révèle aussi que les informaticiens, les cadres, les gestionnaires et les artistes ont été particulièrement nombreux à migrer aux États-Unis entre 2000 et 2006.

Quand on se compare, on se console?

Frédéric Docquier, professeur à l’Université catholique de Louvain, a créé pour la Banque mondiale l’une des bases de données les plus importantes sur l’exode des cerveaux. Il définit un cerveau comme étant tout individu de plus de 25 ans qui a fait des études postsecondaires. La situation au Canada ne lui paraît pas préoccupante : «Je ne dirais pas que le Canada connaît un exode de cerveaux. Entre 1990 et 2000, le pourcentage de la main-d’œuvre hautement qualifiée qui a émigré est resté stable autour de 4 ou 5 %. C’est plus que la France (1,7 %), par exemple, mais beaucoup moins que le Royaume-Uni, qui voit de son côté près de 15 % de sa main-d’œuvre hautement qualifiée partir ailleurs. Pour certains pays des Caraïbes, ce taux atteint les 80 %.»

Cependant, selon M. Docquier, à mesure qu’on raffine le concept de cerveau et qu’on observe les comportements des personnes très hautement scolarisées ou spécialisées – les chercheurs en sciences et technologie, les postdoctorants –, la tendance à migrer augmente fortement, et ce, dans tous les pays du monde.

Perceptions mitigées

Au Québec, l’Ordre des ingénieurs ne compile pas de statistiques sur les départs de ses membres, mais on y est inquiet de l’exode interprovincial des ingénieurs québécois. «Je dirais qu’autour de 300 ou 400 ingénieurs nous ont quitté dans la dernière année pour gagner l’Ouest canadien. Quand on voit le ministère des Transports au Québec afficher des postes d’ingénieur à 19 $ / h pour les postes d’entrée, on ne s’étonne pas que les jeunes soient tentés d’aller gagner plus du double dans l’Ouest», relate Zaki Ghavitian, président de l’Ordre.

Toutefois, Norma Kozhaya, économiste en chef au Conseil du patronat du Québec, ne croit pas que les conditions actuelles au Québec puissent mener à un exode de nos cerveaux. «Les travailleurs d’ici ont de bons salaires et de bonnes conditions économiques, surtout depuis les baisses d’impôt accordées l’an dernier. Certains travailleurs très hautement qualifiés, qui gagnent plus d’argent, seront toujours susceptibles de partir pour des motifs fiscaux ou des possibilités d’avancement. La langue était autrefois un frein, mais alors que les Québécois parlent l’anglais en plus grand nombre, ils deviennent aussi plus mobiles», croit-elle.

Relatés dans les médias, les cas de médecins qui ont quitté le Québec ou le Canada en claquant la porte donnent l’impression que nos bons docteurs n’ont qu’une envie : partir. Or, les données les plus récentes de l’Institut canadien de l’information sur la santé (ICIS) démontrent le contraire.

«Depuis trois ans, on observe qu’il y a plus de médecins qui reviennent de l’étranger que de médecins qui quittent le Canada. Au Québec et en Ontario, la tendance est moins nette, mais ces deux provinces hébergent la majorité des écoles de médecine et plusieurs étudiants étrangers ou d’autres provinces repartent chez eux après leurs études», explique Francine-Anne Roy, gestionnaire en ressources humaines de la santé à l’ICIS. «L’exode des médecins ne nous inquiète pas en ce moment, il n’y a pas d’augmentation des départs», confirme le Dr Yves Robert, secrétaire du Collège des médecins. Il déplore cependant que, dans un contexte de pénurie qui frappe presque tout l’Occident, les contraintes imposées ici aux jeunes médecins, comme l’impossibilité de choisir leur lieu de travail, en fassent toujours fuir quelques-uns.

Jean-François Thuot, président du Conseil inter­professionnel du Québec, qui regroupe tous les ordres professionnels de la province, se préoccupe plutôt de la grave pénurie de main-d’œuvre qui frappera une trentaine de professions dès 2015. «Avant de s’inquiéter de la fuite des cerveaux, il faut penser à former une relève et à améliorer l’intégration des professionnels qui nous arrivent d’ailleurs», fait-il remarquer.

Qui perd gagne

Claude Demers, président de l’Association de recherche industrielle du Québec, ne mâche pas ses mots : ceux qui se lamentent du départ de nos talents vers d’autres pays ou qui brandissent l’exode comme une menace sont des pleurnichards. «Il y aura toujours des jeunes qui voudront aller relever d’autres défis ou voir le vaste monde. C’est très souhai­table que des Québécois aillent faire des études à l’étranger, ou même qu’ils s’établissent ailleurs», dit-il.

M. Demers souligne que les Québécois nouent ainsi des contacts précieux dans le monde et deviennent ensuite de formidables têtes de pont pour l’innovation et le commerce ici. «Dans un monde global, il faut s’en réjouir. Certains pôles d’excellence seront toujours ailleurs et les cerveaux, comme les athlètes, vont là où la compétition est à son plus haut niveau.»

Le Québec n’a qu’à maintenir et développer ses propres pôles d’excellence.

Le Canada : une destination de choix au détriment des pays pauvres

L’Afrique du Sud connaît une épidémie grave de SIDA, mais ses précieux pharmaciens, qu’elle a formés à grands frais, sont la cible de campagnes de séduction de la part d’entreprises canadiennes qui souhaitent les faire venir ici. Une pratique dénoncée en janvier dernier dans un éditorial du Journal de l’Association médicale canadienne.

«C’est ce qu’on appelle du braconnage de cerveaux», commente Maurice Schiff, directeur du programme de recherche sur la migration internationale et le développement de la Banque mondiale.

Quand peut-on parler d’un réel exode? «Je dirais que lorsque plus de 25 % de la main-d’œuvre hautement qualifiée quitte le pays, c’est inquiétant, et qu’au-delà de 45 %, la situation est critique. En Afrique, c’est le cas de la Gambie, par exemple, qui en perd 63 %. Ce n’est guère mieux en Amérique centrale, et dans les Caraïbes, c’est carrément catastrophique. Plus de 80 % de la main-d’œuvre hautement qualifiée d’Haïti et de la Jamaïque habite à l’extérieur du pays», explique M. Schiff. Il ajoute que le Canada et l’Australie accueillent la plus forte proportion de ces migrants hautement scolarisés.

Frédéric Docquier, économiste à l’Université catholique de Louvain, croit pour sa part que les pays riches comme le Canada devraient éviter de recruter des professionnels provenant de pays déjà fortement affectés par des pertes dans des secteurs essentiels, comme l’éducation et la médecine. «Surtout que les immigrants très qualifiés auront souvent beaucoup de mal à s’intégrer à leur société d’accueil», ajoute-t-il.

Le Conseil interprofessionnel du Québec confirme que la moitié des demandeurs de reconnaissance doivent suivre une formation d’appoint avant de pouvoir exercer au Québec.